Confrérie des témoins de saint Yves : récollection Avent 2020 (3/5) 3ème semaine de l’Avent : E comme « Envoyé »

 Avez-vous remarqué comment, en ce temps de l’Avent, beaucoup de personnages bibliques sont des Envoyés ? C’est pour eux une vraie joie. Nous pouvons relire les textes de ce 3ème dimanche à cette lumière.

 Lecture du livre du prophète Isaïe  (Is 61)

« L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur … le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations. »

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens (1 Th 5)

« Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal. Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, Celui qui vous appelle : tout cela, il le fera. »

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 1)

« Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière… Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe » … Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est Lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. » Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait. »

La 1ère semaine de l’Avent, il y avait ceux qui ont annoncé la venue du Messie, les prophètes, en premier lieu Isaïe : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi …Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle. » (Is 61) Il nous a accompagnés en ce début d’Avent. C’est aussi Ézékiel, Habacuc … Parfois le Seigneur va les chercher dans leurs activités courantes, Amos proteste : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau. » (Am 7) Ce sont aussi les patriarches, Moïse, envoyé pour faire sortir d’Égypte le Peuple de Dieu, il proteste aussi : « … je n’ai jamais été doué pour la parole … j’ai la bouche lourde et la langue pesante, moi ! » (Ex 4)

Croire que la mission nous dépasse, c’est oublier que c’est le Seigneur qui est à l’œuvre, pas nous ; Il nous envoie mais c’est Lui le père de nos frères et sœurs.  

Les évangiles de l’Avent nous donne 4 figures exemplaires d’envoyés :

L’ange Gabriel, son être profond est d’être l’Envoyé de Dieu, à Zacharie, à Joseph et bien sûr à la Vierge Marie dont nous fêtions mardi l’Immaculée Conception :  « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge … » (Lc 1)

Annonciation, église  sainte Pompée à Langoat

Marie s’étonne mais lorsque l’Ange lui dit : « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu », ses peurs disparaissent, sans craindre sa petitesse, elle se rend disponible de cœur et de corps au plan de Dieu. Sa force, laisser faire, « car rien n’est impossible à Dieu», Elle a toujours compté sur Lui du dénuement de la crèche à celui de la Croix.

Saint Joseph est complètement décentré de lui-même, « l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. » (Mt 1) Il décide, avec foi, détermination, fidélité, simplicité, d’être le « serviteur » de l’Alliance de Dieu avec son peuple. Joseph est qualifié dans les Évangiles d’homme « juste». Dans la Bible, le mot désigne quelqu’un de fidèle. le pape François a ouvert une “Année saint Joseph” du 8 décembre 2020 au 8 décembre 2021 par la lettre apostolique « Avec un cœur de père », Patris Corde,

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_letters/documents/papa-francesco-lettera-ap_20201208_patris-corde.html

Jean-Baptiste, sa joie : s’effacer derrière Jésus : « Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue. » (Jn 3)

Quels sont le points communs qui caractérisent de tous ces envoyés ?  La fidélité, la foi, la confiance, 3 mots qui ont la même racine.

Comment rester fidèles à nos engagements quotidiens – hygiène de vie, prière, petits sacrifices, appels et gestes fraternels – dans la tourmente pandémique? En les renouvelant chaque jour avec l’Esprit Saint .

Saint Yves envoyé par son évêque comme prêtre et comme recteur de Trédrez puis de Louannec.

Le visiteur entrant à l’église de Minihy est attiré par une toile monumentale qui transcrit le texte latin du Testament écrit par saint Yves en 1297. Il s’y qualifie de « prêtre indigne et très méprisable serviteur du Christ ». Ce n’est pas là expression de convenance, elle est marquée du sceau d’une sincérité sans fard. Yves se juge indigne de célébrer le Grand Mystère. Quand, vers 1283, Mgr Alain de Bruc, qui en a fait son official, veut l’ordonner prêtre, Yves – comme saint François -, refuse cette dignité qui à ses yeux le dépasse.  Par obéissance,  il se rend à l’insistance de son évêque qui le fait recteur de Trédrez. Mais Yves n’entend pas être recteur seulement de façade. Official en semaine, il rejoint ses cures de Trédrez puis de Louannec le dimanche, toujours à pied, se déplaçant même la nuit pour gagner du temps, sans ménager ses forces. Geoffroy Jubiter, devenu plus tard recteur de Trédrez, visite avec lui les malades, Yves réconforte et entretient « des choses de Dieu. Je le suivais et je portais sa Bible et son bréviaire. »

À Louannec, Yves Menguy, témoin 35,  explique : « sa prédication sainte et bonne fut suivie d’effet, les gens honnêtes et bons s’améliorèrent, les paroissiens mauvais, dépravés ou malhonnêtes, furent remis dans la voie du salut, il amena à faire pénitence … de grands pécheurs tel « Darien de Kergoat, un noble qui violentait les femmes , violait les jeunes filles et était homicide. » Yves le convainc d’aller à Rome à pied, à son retour il fait de larges aumônes et récite les heures de la Bienheureuse Marie. »

Pour Yves la confession fut une priorité de sa vie de prêtre, jusqu’à son dernier souffle. Yves Haloic, de Tréguier, témoin 37, raconte : « dans une rue de Tréguier qu’on appelle rue des Perdrix, j’ai vu un homme lui dire : « Messire Yves, pour Dieu, venez entendre la confession d’un tel qui est malade et qui est en train de mourir dans telle maison ». Dom Yves quitta son chemin et entra dans la maison indiquée. «Si je refusais d’aller voir ce malade, je serais en état de désobéissance à Dieu» dit-il ».

Sa prédication s’enracine dans la Bible, la Parole de Dieu, qui l’a saisi à Rennes lors des cours des novices franciscains. Mais la vie offerte d’Yves donne corps à sa prédication. Notre vie est-elle toujours conforme à la Parole de Dieu que nous proclamons ?

Saint Yves est ainsi le modèle des prêtres bretons, apprécié par tous, tant les pauvres que les bourgeois, les seigneurs des manoirs que son évêque qu’il accompagnait à pied dans ses visites pastorales pour prêcher.  

Saint Yves envoyé par son évêque comme official.

D’où Yves, « avocat des pauvres, patron des juristes », a-t-il hérité son amour de la justice ? Initié par Azo, sa mère à la prière, la Parole de Dieu lui révèle une justice à mettre en œuvre. Des versets parlent à son cœur, au psaume 105, 3 : « heureux qui pratique la justice, qui observe le droit en tout temps ! » Des saints fondateurs bretons il hérite le sens de la vérité, une droiture sans faille, une justice fondée en Dieu. Enfin, Yves enfant a dû fréquenter l’officialité de Tréguier et regretter les lenteurs d’un système qui broie le pauvre incapable de payer des procédures interminables et s’enflammer contre l’injustice. Arrivé vers 1270 au studium d’Orléans, Yves, jusqu’à trente ans poursuit un parcours d’excellence. Il entend maîtriser toutes les règles du droit pour rendre une justice imparable, prompte. Ne faisons pas de lui un justicier au-dessus des lois. Il veut appliquer la justice des hommes, pleine, entière, sans passe-droit ni favoritisme. Il se dépense, le souci du pauvre au cœur de sa pratique de la justice ne se dément jamais.

Sa réputation faite à Rennes, l’évêque de Tréguier, Alain de Bruc, le nomme en 1281 official. Il excelle : « il rendait une prompte justice aux parties en procès devant lui comme tous le disaient dans le milieu des juristes » dit Darien de Trégroin. Les témoins louent son sens inné de la justice, sa façon de traiter indistinctement les plaignants,  il se différencie des autres juges ou avocats par une justice compétente et rapide. Yves de Trégordel est clair : « Il était très compatissant envers les mineurs, veuves et personnes malheureuses. Je l’ai vu fréquemment écrire lettres et mémoires de ce genre de personnes pour rien. »  Jacquet de Louannec déclare : « tous le louaient de sa bonne justice, jamais je n’ai vu ni entendu personne se plaindre du contraire. »

Mais à Trédrez Yves plongé dans l’épaisseur de la vie, son sens d’une justice calibrée évolue. Le justiciable, l’homme, la femme, prennent le pas sur l’exercice équitable de la justice. À la froideur du jugement rendu, même en toute justice, se substitue la quête de la conciliation pour éviter le procès et établir la paix. Ce désir est nourri de son empathie avec ce troupeau qu’il guide. Il grandit dans la patience, don de l’Esprit. Pour Hervé de Coatréven, sacristain de Tréguier « les procès ordinaires, il les terminait par la paix et la concorde. »  Chaque jour le pasteur grandit et l’homme de loi s’efface. L’acte judiciaire est pour Yves un lieu de rencontre des personnes où peut se faire au fond des consciences la rencontre avec l’Unique, le Tout-Autre qui est aussi le Tout-Proche. L’acte judiciaire se mue en un lieu de conversion où une vie peut changer, lieu de la réponse au divin « suis-Moi », au divin « descends de ton arbre », l’arbre de tes certitudes, l’arbre de ton bon droit qui te coupe de l’autre. C’est l’heure de l’Esprit Saint. 

 Saint Yves envoyé par Jésus auprès des pauvres et des malades.

Le brillant étudiant de Paris et Orléans a déjà le souci des pauvres et des malades. À Rennes, aux fêtes, l’official leur ouvre sa table, lance avec joie : « je vais chercher mes gens ! » Il fait construire au Minihy une maison pour les recevoir « car tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Isaïe 43).   Pour Jean de Croyfrooc il réalise « toutes les œuvres de charité et de miséricorde. »  Le mot « compassion » revient sans cesse dans les témoignages pour qualifier sa relation aux « pauvres du Christ ». « Il était suivi d’une foule de pauvres » rapporte le prêtre Pierre Arnou et « il les recevait avec joie » précise Geoffroy de l’Ile. L’émotion noue la gorge de Dame Pleysou : « les paroles ne peuvent rendre compte des bonnes œuvres qu’il réalisait. »  La charité n’attend pas. Yves Haloïc voit Yves sans argent enlever de « sa tête son chaperon, il le mit en gage pour avoir du pain qu’il distribua sur le champ. »

Pour Guillaume Pierre, prêtre, il « visitait les malades au lit, pauvres ou riches, à l’Hôtel-Dieu et dans les maisons particulières » « réconfortant et entretenant des choses de Dieu » précise le recteur Geoffroy Jubiter. Panthonada émue évoque sa tendresse : « aux malades et infirmes il donnait du pain blanc de froment …plaçant tout près de lui les grands infirmes et les gens difformes. » Guillaume de Karanzan précise : « lui ne se chauffait pas mais achetait du bois pour eux et les plaçait près du feu. »

Yves nous interroge. La charité matérielle ne peut suffire, il se donne tout entier, rejoint pauvres et malades avec délicatesse, les vénère dans leur dignité de fils de Dieu. Yves est un saint à genoux devant l’homme, incarnation de la Miséricorde de Dieu qui traverse les âges par les gestes de tant de saints.

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