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Procédure sans représentation obligatoire – Déclaration d’appel ne mentionnant pas les chefs de jugement critiqués

Article rédigé par Me Anne-France Langlumé, avocat au barreau de Paris

Un   décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicable aux appels formés à compter du 1er septembre 2017, a modifié les règles du jeu et est source de nombreuses décisions rendant sans effet l’exercice de cette voie de recours dont les parties se trouvent ainsi privées et engageant la responsabilité des professionnels du droit confrontés à des textes dont on pourrait se demander si leur finalité n’est pas de traiter le manque chronique de moyens de la justice par l’élimination des recours, en semant le parcours de tant d’embûches qu’il est ardu de ne pas y trébucher.

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Désormais la déclaration d’appel doit préciser les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

C’est ce que prévoient les articles 901 et 933 du code de procédure civile, le premier texte étant applicable aux matières dans lesquelles la représentation des parties par un avocat est obligatoire et, le second, aux matières dans lesquelles cette représentation n’est pas obligatoire.

Toutefois, leur rédaction diffère en ce que l’article 901 du code de procédure civile prévoit cette mention à peine de nullité, sanction que l’on ne retrouve pas à l’article 933.

Par ailleurs, le décret du 6 mai 2017 a modifié l’article 562 du code de procédure civile qui dispose désormais que :

« L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Pour l’application de ces textes, la Cour de cassation a jugé que la nullité de la déclaration d’appel qui ne comporte pas l’indication des chefs de jugement critiqués, lorsque l’appel ne tend pas à l’annulation du jugement ou que l’objet du litige n’est pas indivisible, est une nullité pour vice de forme qui peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel, la régularisation ne pouvant intervenir que si le délai d’appel n’est pas expiré et avant le délai imparti à l’appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile  (Civ. 2ème 20 décembre 2017, nos17-70034, 17-70035 et 17-70036, Bull. Avis, n°12).

A défaut de régularisation conforme à ces conditions, la cour d’appel n’est saisie d’aucune demande, seule la déclaration d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement de sorte que la déclaration d’appel qui tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués n’opère pas d’effet dévolutif (Civ. 2ème 1er juillet 2021, n°20-12339 ; Civ. 2ème 25 mars 2021, n°20-12037 ; Civ. 2ème 2 juillet 2020, n°19-16954 ;  Civ. 2ème 30 janvier 2020, n°18-22528).

La Cour de cassation a jugé que la possibilité ainsi offerte aux parties de régulariser la déclaration d’appel dans le délai de dépôt des conclusions, sous réserve que le délai d’appel ne soit pas expiré, suffit à satisfaire à l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit d’accès au juge (Civ. 2ème 2 juillet 2020, n°19-16954, précité).

Restait en question, le sort de la déclaration d’appel dans la procédure sans représentation obligatoire sur lequel la Cour de cassation n’avait pas encore été appelée à statuer.

C’est chose faite par un arrêt rendu le 9 septembre 2021.

Sur le fondement de l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation énonce que le « droit à l’accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d’accomplir les charges procédurales leur incombant et que l’effectivité de ce droit impose, en particulier, d’avoir égard à l’obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter. »

 Considérant que les règles applicables à la déclaration d’appel dans la procédure avec représentation obligatoire « sont dépourvues d’ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit », la Cour de cassation juge que le même degré d’exigence, dans la procédure sans représentation obligatoire, « dans les formalités à accomplir par l’appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n’est pas tenu d’être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d’appel ne serait pas de nature à y remédier. »

En conséquence, la Cour de cassation décide qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel qui mentionne que l’appel tend à la réformation de la décision déférée sans indiquer les chefs du jugement critiqués, « doit s’entendre comme déférant à la connaissance de la cour d’appel l’ensemble des chefs de ce jugement. »

Civ. 2ème  9 septembre 2021, n°20-13.662

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000044105742?init=true&isAdvancedResult=true&juridictionJudiciaire=Cour+de+cassation&origine=juri&page=1&pageSize=10&query=%7B%28%40ALL%5Bt%22933%22%5D%29+%26%26+%28%40ALL%5Bt%22562%22%5D%29+%26%26+%28%40ALL%5Be%22code+de+proc%C3%A9dure+civile%22%5D%29+%26%26+%28%40ALL%5Bt%226+%C2%A7+1%22%5D%29%7D&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT&typeRecherche=date

Mots-clés : procédure civile ; procédure sans représentation obligatoire ; déclaration d’appel ne mentionnant pas les chefs de jugement critiqués.

 

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