Panégyrique en l’honneur de Saint-Yves

La veille de la Saint-Jean de l’an 1330, les rues de Tréguier étaient bondées de monde: bourgeois, commerçants et artisans de la petite cité épiscopale, paysans et marins des alentours. Tous étaient curieux devoir arriver le cortège des enquêteurs sur la sainteté d’Yves Helory, décédé en son manoir de Ker Martin près de Tréguier, le 19 mai 1303, la même année que le Pape Boniface VIII, initiateur de la 1ère année Sainte.

La Congrégation Romaine pour la cause des Saints date seulement de 1588, 25 ans après le Concile de Trente. Jusqu’à cette époque, des Évêques désignés parle Pape et assistés de secrétaires compétents constituaient le dossier de canonisation. L’évêque de Limoges, en relation avec le Duc de Bretagne, l’Evêque d’Angoulême et le Père Abbé de Saint-Martin de Troarn à 18 kilomètres de Caen conduisirent l’enquête canonique, avec l’aide de 6 notaires ecclésiastiques et 2 notaires du Roi de France. Ils entendirent secrètement et séparément 243 témoins. Ce travail rigoureux et remarquable dura plus de deux mois. Et le 19 mai 1347, le Pape (Clément VI Pierre Roger) originaire de Montmoreau en Charente, exilé en Avignon comme sept autres pontifes, proclama la sainteté d’Yves Helory, prêtre et official du diocèse de Tréguier puis Recteur de Trédrez et de Louannec.

Né le 17 octobre 1253 au Manoir de Ker Martin de Sire Helory et de Dame Amie de Quinquis, à ses 18 ans Yves, sur décision personnelle ou encouragé par d’autres, entre à la Faculté de Théologie de Paris où il étudia entre autres la somme de Saint Thomas d’Aquin, mort prématurément en 129. Ensuite, il se rendit à la Faculté d’Orléans où il prit ses grades en Droit canonique et en Droit civil.

Et notre jeune lauréat rejoignit sa chère Bretagne. Mais, n’étant que laïc, Yves disposait de lui-même. C’est pourquoi il accepta le travail de collaboration demandé par l’archidiacre Morice de Rennes, pendant deux années. II s’appliqua à juger et à résoudre les différents surgis dans le diocèse de Rennes. Il s’agissait de contentieux à l’intérieur du clergé, entre les moines et les prêtres diocésains, de conflits entre certains Seigneurs et leurs manants, de querelles familiales, sans jamais oublier l’attention aux foyers les plus démunis, et les nombreux mendiants errants de cette époque.

La réputation de l’Official de Rennes vint rapidement aux oreilles de l’Évêque de Tréguier. Celui-ci fit connaître à l’Évêché des marches de Bretagne son vif désir de faire bénéficier le Trégorrois des talents de l’Official déjà expérimenté. Le théologien et juriste demanda d’abord audience à son Évêque qui évoqua, sans insistance abusive, l’éventualité d’un accès à la prêtrise. Elle donnerait à ses fonctions évangéliques et sociales d’Official un rayonnement accru, du fait de ses liens intimes et quotidiens avec le Christ-Sauveur. Yves Helory, alors âgé de 33 ans, fit confiance à son Évêque et reçu l’ordination sacerdotale en 1283, non comme une promotion mais bien comme un don providentiel du Seigneur pour servir ses compatriotes du Trégor. En effet il continua d’exercer sa charge d’Official et accepta en outre d’être Recteur de Trédrez, près de Saint-Michel-en-Grève, pendant 8 ans. Et à 41 ans, Don Yves fut muté à Louannec. Au terme de 9 années, épuisé par son accueil des gens en difficulté et par le service de sa seconde paroisse, on le transporta dans son manoir familial de Ker Martin où il offrit sa mort pour la conversion des Trégorrois et les 2 causes qui l’avaient si radicalement enthousiasmé: la paix et la justice sociale. Don Yves avait 50 ans.

La pastorale d’Yves Helory était constituée de deux pulsions essentielles et complémentaires:

  1. Rassembler ses ouailles pour l’Eucharistie dominicale et, par sa prédication ardente, les attacher à la personne de Jésus.
  2. Encourager son peuple à retourner à sa mission de coopération au mieux-être humain et chrétien de leurs compatriotes.

Les témoins de la grande enquête de 1330 nous ont laissé des souvenirs authentiques sur le charisme de conciliateur de l’Official, comme sur ses activités pastorales à Trédrez et Louannec. Ainsi le sacristain de la Cathédrale de Tréguier, un certainOllivier, a certifié aux enquêteurs qu’il avait tellement admiré les extases de Dom Yves, lorsqu’il célébrait à la Cathédrale, qu’il lui arrivait d’oublier « de tinter les cloches au moment des élévations ». D’autres témoins ont assuré qu’un grand nombre de Trégorrois allaient se confesser à Trédrez et à Louannec parce que ce saint prêtre « sentait bon notre Dieu, chavirait les cœurs, et les aidait avec bonté à se convertir ». D’autres témoins insistaient sur ses prédications « aussi claires que ses exposés d’avocat ». Les dizaines d’auditeurs étaient ravis de s’entendre expliquer les richesses de la Foi, « plus que de la bouche de n’importe quel prêcheur, fut-il l’Évêque de Tréguier ».

La popularité de Saint Yves en Bretagne, et bien au-delà, a inspiré de nombreux sculpteurs et verriers. Beaucoup l’ont représenté dans sa tenue de juge entre un riche et un pauvre. Je l’ai vu dans le Limousin, qui fut longtemps comté du Duc de Bretagne. Également dans les Yvelines en l’église St Pierre de Montfort-l’Amaury : une gracieuse colombe blanche sur la tête de Saint Yves, pour symboliser sa sagesse exceptionnelle à la fois lumineuse et sereine et un renard à ses pieds pour signifier la finesse et les astuces légitimes de ses plaidoiries.

Mais en ce septième centenaire de la mort du très remarquable champion de la paix, et de la solidarité évangélique avec les misères de son époque et de sa région, je vous encourage tous, absolument tous, et moi avec vous, à rénover l’ambiance de cet ensemble paroissial de Perros-Guirec. Jeunes écoliers, collégiens, lycéens, jeunes en formation dans les centres techniques,- et vous sexagénaires et septuagénaires libérés de vos charges familiales et professionnelles, continuez à pousser plus loin vos engagements! Il y a tant à faire pour humaniser et christianiser le Trégorrois. Jeunesse ici présente, créez des équipés fraternelles, sérieuses, et dynamiques de sport, de musique, de chant choral, de liturgie et vous les jeunes du 3e âge, hommes et femmes, requinquez-vous dans les rencontres et les sorties – pèlerinages du Mouvement des chrétiens Retraités. Intéressez-vous à la formation religieuse des enfants. Réunissez-vous de temps en temps pour. approfondir les programmes et vous communiquer les meilleurs moyens d’accrocher vos groupes.

Renforcez vos équipes de préparation des familles au baptême de leurs enfants, vos équipes d’accueil des couples qui désirent le mariage religieux, vos équipes d’accompagnement des familles en deuil ; renforcez ou renouvelez vos équipes de parfaite propreté des églises et des sacristies, du décor floral des autels, des statues. Avez-vous découvert des comptables en retraite ou d’anciennes commerçantes pour libérer vos prêtres d’un travail que vous êtes tout à fait capables d’assumer ? Existe-t-il des groupes d’enfants de chœur? Qui pourrait les former et entretenir leur vestiaire? Est-ce -qu’il y a des garçons et des filles qui s’entraînent à jouer l’harmonium où les orgues? Avez-vous des femmes et pourquoi pas des hommes qui portent avec foi et dignité la communion dans les maisons de retraite ou aux personnes seules qui résident chez elles ?

«C’est fou» ce que des paroisses peuvent mettre en route des collaborateurs bénévoles au travail pastoral des prêtres vieillis et peu nombreux.

Une dernière suggestion: pourquoi, chaque année, une fois ou deux ne pas organiser un pique-nique inter-paroissial afin de mieux vous connaître, de fraterniser, de vous détendre, et de proposer des initiatives?

Je rêve d’un avenir nouveau, printanier, radieux pour votre région, pour l’honneur de Dieu et de Saint Yves et pour le profond bonheur des croyants heureusement tenaces à marcher ensemble!

Amen! Amen! Amen!

Loading