Yves, j’ai deux mots à te dire !

Billet_StYves_2007.jpgYves, j’ai deux mots à te dire !

Marchant sur les chemins que si souvent tu empruntais, je t’imagine vêtu de ta housse de grosse bure blanche, chaussé de lourds souliers à courroies…

Aujourd’hui, près de 700 ans ont défilé et la foule «pèlerine» vient toujours à ta rencontre.

À coup sûr, ta modestie naturelle est mise à rude épreuve ! En breton, en français, en latin, on te chante car on t’aime! «N’an eus ket en Breiz… Il n’est point en Bretagne de plus grand saint que St Yves… » Mais va donc dire le contraire à tes frères trégorois ! Ils répondent que, depuis ton exemplaire vie, leur compatriote est toujours d’actualité dans notre société dite de progrès où pourtant l’humain est souvent bafoué.

Tu fus homme de Justice et de Charité ; on dit aujourd’hui “Solidarité”, “Partage”. Memez tra ! C’est pareil. Défenseur des pauvres, des faibles, humble curé de campagne, ascète aux prônes éblouissants, tu passais aux actes.

J’associe spontanément ta silhouette et ton action à celles de notre contemporain qui vient de nous quitter, un exemple lui aussi, ce petit curé .à la pèlerine noire, l’abbé Pierre.

Alors je songe aux grands discours-résolutions d’aujourd’hui, a la passivité d’organismes politiques à l’échelle planétaire. Ton Minihy à toi était terre d’asile tu accueillais les exclus le paumé de la vie. Et sur les routes du monde, il y en a ; la terre ne tourne pas rond : réfugiés du Rwanda, du Darfour et d’ailleurs, enfants des rues ou des bidonvilles d’Amérique Latine «malnutris» fouillant nos poubelles, déportés qui ne pensent pas comme le tyran, fanatiques qui tuent leurs frères, familles disloquées par la guerre…

Mais tu vois, Yves, il y a dans cette foule en marche vers Minihy, auprès des anciens toujours fidèles, des jeunes généreux, réalistes qui ne se perdent pas en «y a qu’à » et «faut qu’on». Les uns s’engagent comme toi dans les petites choses quotidiennes, dans leur quartier, leur école, leur communauté ; d’autres prennent la route auprès des missionnaires en Afrique ou ailleurs.

Cela me rappelle ton Pardon de 1982 : il y avait là un archevêque, celui de Rio, venu te saluer ; il porte ton prénom, Dom Yvo Lorcheister; il était président de la Conférence épiscopale brésilienne. Et il lança sous les voûtes 1e la cathédrale: «Bretagne, terre missionnaire, reçois les remerciements du Tiers-Monde…»

25 ans après, voici qu’en ce mois de mai 2007, le Pape Benoît XVI a cheminé à son tour en terre brésilienne pour a conférence générale des évêques d Amérique latine et les Caraïbes au sanctuaire marial d’Aparecida. Renouveler l’élan missionnaire sur ce continent, c’est l’objectif de cette rencontre, un défi à relever.

Tréguier, sous ta bannière, émerge depuis des siècles comme haut lieu de rencontre, de spiritualité dont on a tant besoin , Tréguier, «ville de l’âme, une manière d’Assise Bretonne», notait déjà avec délicatesse Anatole Le Braz, et je citerai ici aussi le voisin de ta cathédrale, Ernest Renan, qui aimait cette cité «où l’on sentait vivre une forte protestation contre tout ce qui est plat et banal», au pied de cet édifice aux étonnantes hardiesses architecturales, « du joli clocher prodigieusement élancé, qui semble fait exprès pour nourrir de hautes pensées. »

Alors, saint Yves, voici les affligés t’apportant leurs détresses de pauvres cœurs brisés cherchant à y semer la graine d’Espérance ; voici les jeunes en route vers la vie, marchant dans la nuit de leurs angoisses du lendemain ; tu sauras les éclairer.

Je voulais te dire tout cela avant de prendre une nouvelle fois la route de ta fête. Il fait si bon à Tréguier.

[/Louis-Claude Duchesne (+2012)

Ancien journaliste à Ouest-France

Mai 2007/]

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