Sur les pas de saint Yves

Dom Yves parcourait parfois à pied en un seul et même jour cinq ou sept lieues (soit 25 km environ) pour prêcher la parole de Dieu dans diverses localités fort éloignées les unes des autres. Je l’ai vu et entendu prêcher bien des fois et je l’ai accompagné à plusieurs reprises dans diverses localités

déclare un témoin pour l’enquête en vue du procès en canonisation de saint Yves.

Dom Yves fut très attaché à la prédication de la parole de Dieu. Ainsi parfois au cours d’une même journée il portait cette parole dans trois églises distantes l’une de l’autre d’une lieue, et il faisait le chemin à pied. Je l’ai accompagné bien des fois

, renchérit un autre témoin.

C’est à la lecture de ces témoignages que l’idée d’un pèlerinage sur les pas de saint Yves a germée et c’est dans ses traces que nous allons parcourir, comme lui, en marcheur infatigable, la région comprise entre Trédrez, sa première paroisse, et Minihy-Tréguier, son village natal.

Schéma du chemin de saint Yves

Schéma du chemin de saint Yves


Notre pèlerinage commence donc à Trédrez, première paroisse du recteur Yves Hélory de 1284 à 1292. L’église d’alors n’existe plus et celle que nous voyons est un bel exemple de l’architecture Beaumanoir qui a fleuri du XVe au XVIe siècle et qui se caractérise par un clocher-mur, généralement de forme rectangulaire, flanqué de solides contreforts et d’une tourelle accolée au clocher renfermant l’escalier permettant d’accéder à son sommet.

Pavé de saint Yves (petite allée reliant l’église au presbytère et que saint Yves a empruntée) à Trédrez-Locquémeau.

Pavé de saint Yves (petite allée reliant l’église au presbytère et que saint Yves a empruntée) à Trédrez-Locquémeau.

En sortant de l’enclos, cherchons «le pavé de saint Yves» reliant l’église au presbytère avant de prendre notre départ. Nos pas nous emmènent ensuite au château de Coat-Trédrez construit pour les seigneurs de Coat-Trédrez à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe siècle. Il possédait droit de haute justice dans les paroisses des environs et de Trédrez en particulier. Bien qu’il soit plus tardif, il y avait sûrement à l’époque de saint Yves un manoir à cet emplacement et on peut rêver à une visite en voisin du recteur au seigneur de l’époque… Bel exemple de manoir complet avec sa chapelle, son colombier et surtout la croix de chemin devant laquelle nous passons en direction du hameau du Yaudet.

La Vierge couchée à la chapelle du Yaudet

La Vierge couchée à la chapelle du Yaudet

Après un trajet à travers bois et longeant la mer, nous montons sur le promontoire en haut duquel se trouve la chapelle «de la vierge couchée», dite Le Yaudet. Construite initialement au XIe, la chapelle actuelle fut refaite en 1861. Elle a conservé cependant certains éléments de la chapelle antérieure dont le clocher-mur et la tourelle d’accès de style Beaumanoir, les portes du XVe siècle avec arcs en accolade et un retable du XVIIe siècle, qui fait toute son originalité, représentant une «Marie (mère de Jésus)» Vierge couchée allaitant l’Enfant Jésus.

Fontaine Saint-Ivy à Lannion (troisième étape importante du chemin).

Fontaine Saint-Ivy à Lannion (troisième étape importante du chemin).

On poursuit son chemin le long de la rivière du Léguer à travers bois jusqu’au hameau de Loguivy-lès-Lannion qui n’est pas sous le vocable de saint Yves mais de saint Ivy, né au nord du pays de Galles, au VIIe siècle et a débarqué à l’embouchure du Léguer. La fontaine de dévotion (XVI-XVIIe siècle) où il est représenté en évêque ou en abbé mitré, est située au bas de l’enclos paroissial ; on y trempait les enfants pour les protéger de toutes maladies. Pour obtenir les clés s’adresser à la voisine, Mme Tanguy (_ ✆ 02 96 37 09 69).

Escalier de Brélévenez à Lannion, montée que saint Yves empruntait quand il allait de Trédrez vers l’église de Brélévenez faire ses dévotions.

Escalier de Brélévenez à Lannion, montée que saint Yves empruntait quand il allait de Trédrez vers l’église de Brélévenez faire ses dévotions.

Nous repartons pour un court parcours le long du Léguer, rivière de Lannion, que nous traversons, pour ensuite monter vers Brélévenez par l’escalier en schiste et granite. Son nom est composé des deux mots celtiques «bre levenez», dont la signification littérale est «mont joie». L’église commencée vers 1190 a été réalisée soit par les Templiers, soit par un autre ordre militaire comme les Trinitaires. C’était, à l’origine, une église fortifiée. Saint Yves l’a connue car Brélévenez est mentionnée comme paroisse lors de son procès de canonisation où l’on lit

Hervé Ouchemal, chanoine de l’église de Brélévenez, âgé de 55 ans

(témoin n°25). C’est une belle architecture avec des traces romanes dans le porche sud et des éléments fin XVe dans le clocher, encastré dans une tour carrée massive allégée de balustrades à arcatures trilobées. L’intérieur mérite une visite : à noter spécialement une mise au tombeau en tuffeau polychrome qui se trouve dans la crypte, ainsi que le bénitier qui servait de mesure à blé pour la perception de la dîme.

Nous redescendons vers la vallée que nous suivons pour remonter ensuite vers Petit Camp sur le plateau ; poursuivons en contournant les bois du château de Barac’h : inachevé par manque d’argent, il ne se compose que d’un important logis-porche fortifié.

Puis nous arrivons à Louannec, seconde paroisse où saint Yves a officié. L’église, du XIIe siècle, dont saint Yves est le recteur de 1292 jusqu’à sa mort en 1303, n’est plus car elle a été entièrement remaniée au XIXe. En revanche, celle que nous voyons est placée sous le vocable de saint Yves et à l’intérieur on peut y admirer une chasuble
en soie, lin et or de Chypre lui ayant appartenu ; ainsi qu’une représentation traditionnelle du saint médiateur entre le riche et le pauvre qui nous le rend très proche par la vivacité de la facture. Pour entrer dans l’église demander les clefs à la mairie qui vous les confiera contre dépôt de carte d’identité.

Aqueduc de Tréguier datant du XVIIe siècle sous lequel on passe avant d’arriver à Tréguier.

Aqueduc de Tréguier datant du XVIIe siècle sous lequel on passe avant d’arriver à Tréguier.


Nous descendons ensuite le long de la mer, remontons le long du Dourdu. Faisons une halte à la chapelle de Kerallain. Cet édifice remplace une ancienne chapelle édifiée vers 1350 en souvenir du miracle opéré par saint Yves sur un enfant noyé dans le lavoir de la ferme de Kerallain. En souvenir, à la fontaine Saint-Yves à proximité, on célèbre encore un pardon chaque année, à la fin août. Si la chapelle est un peu lourde, l’endroit n’en a pas moins gardé toute sa poésie.

La flèche de la cathédrale de Tréguier

La flèche de la cathédrale de Tréguier

On revient un peu sur ses pas afin d’entamer une jolie marche dans le Bois Riou, pour ensuite contourner Penvenan sur le plateau et redescendre vers le Guindy en passant sous les arches de l’ancien aqueduc qui alimentait Tréguier. Passons sur le viaduc construit par Harel de la Noé, auteur de nombreux ouvrages d’arts du réseau ferré des Côtes-du-Nord de l’époque.

Nous arrivons en vue de la flèche de la cathédrale consacrée à saint Tugdual, évêque de Landreger (Tréguier) vers 542. Il fut le premier évêque d’un siège épiscopal important en Bretagne jusqu’à sa suppression à la Révolution française.

Nous passons sur la passerelle Saint-François puis dans «le bois du poète» et nous voilà presque au terme de notre pèlerinage devant la cathédrale où fut enterré saint Yves.

L’arrivée au manoir de Kermartin

Porche d'entrée de la chapellenie de Minihy- Tréguier. Elle aurait été construite par son père ou par Yves Hélory lui-même. Saint Yves l’a utilisée comme hospice.

Porche d’entrée de la chapellenie de Minihy- Tréguier. Elle aurait été construite par son père ou par Yves Hélory lui-même. Saint Yves l’a utilisée comme hospice.

Il nous reste à parcourir les deux kilomètres qui séparent Tréguier de Minihy-Tréguier où Yves Hélory est né, au manoir de Kermartin. Un beau colombier du XIIIe siècle atteste encore de la noblesse des lieux. La très jolie église existait dès 1290, mais elle a été transformée au fil des siècles : elle y recèle le «testament de saint Yves».

En sortant, on fera un tour dans le cimetière où on sacrifiera à la tradition de passer sous la pierre dite Tombeau de saint Yves. Pour terminer, admirons la chapellenie, construite par Yves Hélory aux confins des terres paternelles, qui lui servait d’hospice à l’époque

[/Alyette Deleplanque/]

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