« Nous n’abandonnerons pas le monastère des Augustines de Tréguier ! » Mgr Denis Moutel

Au cœur de la cité de Tréguier, animé par des siècles de charité, palpite encore un lieu précieux qui attend sa résurrection : l’ancien hôtel-Dieu de Tréguier où saint Yves soignait les malades devenu en 1654 le Monastère des Augustines. 

Le temps de la renaissance ?

« Nous n’abandonnerons pas le monastère des Augustines de Tréguier ! » C’était le message clair de Mgr Denis Moutel donné le 23 février 2018, est clair : pas question de laisser se dégrader davantage ce joyau architectural ; pas question non plus de le vendre à des promoteurs.  Mgr Moutel concluait la rencontre avec la presse par ces mots : « le message fort est : nous n’abandonnons pas le site ! » Ce message répond à l’attachement des habitants du Trégor, et de Tréguier en particulier, à ce lieu encore très présent dans la mémoire collective; il se manifeste par l’engouement pour la visite de ces lieux lors des Journées du Patrimoine.

https://fonds-saintyves.fr/le-patrimoine-de-saint-yves/visites-du-monastere-sainte-marie-madeleine-des-augustines-de-treguier/

Trois ans plus tard, l’heure de la renaissance a-t-elle sonné pour l’ancien monastère des Augustines de Tréguier ? Début janvier 2022, l’économe du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, a présenté à la presse au nom de l’évêque, Mgr Denis Moutel, les conclusions de la commission d’étude.

Un musée de la vie monastique devrait être installé dans l’aile la plus ancienne.

Le coût du projet est estimé à 6,5 millions d’euros.

Les conclusions du comité de pilotage crée en 1990 et épaulé ensuite par le cabinet d’études Anesti, étaient attendues avec impatience. Elles sont désormais connues dans leurs grandes lignes.

« Nous souhaitions garder l’âme de ce lieu, précise Loïc Blin, économe diocésain. D’où l’idée d’un musée sur la vie monastique qui sera intégré dans l’aile centrale, qui est la plus ancienne (XVIIe siècle). Dans la partie la plus récente (XIXe), dont les façades sont également classées, nous avons un projet d’habitat inclusif… » 

Ce dernier projet est tout à fait dans la spiritualité de saint Yves accueillant les pauvres dans la maison qu’il avait faite construire pour eux auprès de la chapelle et de son manoir de Ker Martin à Minihy-Tréguier.

Note : L’habitat inclusif est un habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale. Il est destiné aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes. Ce mode d’habitat regroupé est assorti d’un projet de vie sociale.

https://www.cnsa.fr/grands-chantiers/habitat-inclusif/quest-ce-que-lhabitat-inclusif

Cependant rien n’est définitivement fixé. « Nous avons recruté une historienne qui rédige le projet culturel et scientifique du musée, ajoute Loïc Blin. Ce projet est particulièrement ambitieux avec des scénographies, des déambulations. »

Le coût global 6,5 millions d’euros dépasse largement les moyens financiers du diocèse qui va faire appel à des mécènes ou à des legs. Un quart des dépenses pourrait être pris en charge par la DRAC – Direction Régionale des Affaires Culturelles -. Un dossier de candidature a même été déposé auprès de la Mission Patrimoine de Stéphane Bern. « Nous pouvons ainsi espérer avoir 400 000 € au titre du Loto du patrimoine » commente Loïc Blin.

Voilà un projet de grande envergure désormais porté par le diocèse de Saint-Brieuc à Tréguier ; chacun est appelé à le porter en le faisant connaître autour de soi, si l’on est croyant en le portant dans la prière et en le confiant à l’intercession de saint Yves.

Ce projet « ravit » le maire de Tréguier,  Guirec Arhant, après que la Ville de Tréguier a réussi la restauration du couvent des Sœurs du Christ (école de musique, pôle arts du cirque …) Si ce musée sur la vie monastique voit le jour, la capitale historique du Trégor et son ancien évêché marqué par les figures de saint Tugdual et saint Yves pourra renforcer son image de pôle du tourisme religieux en Bretagne. « Il y a déjà 100 000 personnes qui visitent chaque année la cathédrale Saint-Tugdual, explique Loïc Blin. Et 30 000 qui visitent le cloître. Avec le nouveau musée, nous tablons également sur 30 000 visiteurs. »

Saint Yves et le monastère sainte Marie-Madeleine des Augustines de Tréguier

Dès le 13ème siècle, vers 1230, sur la route de Lannion, à l’entrée de la ville, pour y accueillir pauvres et pèlerins malades, est créé à Tréguier un hôtel-Dieu. Saint Yves (1253-1303) l’a régulièrement fréquenté. Il était desservi par une petite communauté religieuse dont il subsiste les bâtiments du 15ème siècle disposés autour d’une courette formant le noyau ancien du couvent : la “salle des passants” qui abritait les malades et communiquait directement avec la chapelle Sainte-Marie-Madeleine construite perpendiculairement ; le bâtiment de l’infirmerie édifié contre la chapelle à l’ouest. À l’origine, la salle des passants n’avait pas d’étage, peut-être même était-ce une salle sous charpente.

Yves Héloury, brillant étudiant à Paris et Orléans, a déjà le souci des pauvres et des malades. À Rennes, aux fêtes, le jeune official leur ouvre sa table, lance avec joie : « je vais chercher mes gens ! » Il fait construire au Minihy près de son manoir de Ker Martin et de l’église qu’il a fait construire une maison pour les recevoir avec affection « car tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Isaïe 43).

« L’homme de bien a pitié. A pleines mains il donne au pauvre. » (psaume 111) De très nombreux témoignages au Procès de canonisation de 1330 évoquent dom Yves comme le  serviteur des pauvres et des malades. Pour J. de Croyfrooc il réalise « toutes les œuvres de charité et de miséricorde. » Le mot « compassion » revient pour qualifier sa relation aux « pauvres du Christ ». Les personnes malheureuses, « il leur portait secours en les conseillant, les guidant » dit A. Soyan. Selon Dame Oliva il visite « les impotents, compatit à leurs malheurs. » L’émotion noue la gorge de Dame Pleysou : « les paroles ne peuvent rendre compte des bonnes œuvres qu’il réalisait. »

En haut de la rue de la Chalotais, à cinq cents mètres de la cathédrale, on est à l’emplacement de l’Hôtel-Dieu créé vers 1230. Yves avait l’habitude sur le chemin du retour vers Kermartin, d’official, de s’arrêter à l’Hôtel-Dieu de Tréguier: L’official après sa journée à l’évêché, retournant à Ker Martin, avait l’habitude de s’arrêter à l’Hôtel-Dieu où le personnel, débordé, manquait cruellement. En ce lieu de Miséricorde il soigne avec attention, panse, lave, nourrit, ceux qu’on nomme au Moyen Âge les « seigneurs malades ». Constance, épouse d’Etienne Ymbert, témoin 45, de la ville de Tréguier, âgée de 55 ans, après avoir prêté serment sur la Bible, décrit aux enquêteurs du Procès de canonisation de 1330 à l’hôtel Tournemine, une scène poignante qu’elle a vécue à l’hôtel-Dieu de Tréguier et qu’elle n’a jamais pu oublier  :

« J’ai vu et connu dom Yves pendant les dix années … qui ont précédé sa mort. C’était un homme vertueux, humble et bienveillant, d’une grande patience, faisant grande pénitence, assidu à prier et à prêcher, miséricordieux et bon dans ses visites aux malades, dans les distributions qu’il faisait aux pauvres de tout ce qu’il avait ou pouvait avoir, dans l’aide qu’il apportait aux mineurs, aux orphelins, aux veuves et à toutes les autres personnes malheureuses, en les consolant, en les secourant, en plaidant pour elles. Je l’ai vu bien des fois : il sortait en vêtement humble, convenable et pauvre ; il était vêtu d’un long surcot, et d’une cotte et d’un chaperon d’une grossière étoffe de burell de peu de valeur, et cela pendant huit ans et plus avant sa mort … Je l’ai vu un jour revêtu d’une cotte, d’un surcot et d’une housse de couleur perse avec un chaperon du même tissu, à fourrures ; il était chaussé de bottes et il entrait dans l’Hôtel-Dieu ou Hôpital de Tréguier. Peu après je l’ai vu qui sortait de ce même hôpital sans chaperon, sans surcot ni housse et qui se hâtait nu pieds de gagner sa maison de Ker Martin, tenant un pan de son surcot sur sa tête en guise de capuchon.

 Ma mère et moi nous nous rendîmes alors à l’Hôtel-Dieu et découvrîmes que dom Yves avait donné son chaperon à un pauvre estropié, à un autre la fourrure de sa housse, et à un autre cette housse, et ses bottes à un autre pauvre aveugle. J’affirme que tout ce que je dis là je l’ai vu et que les pauvres en question me l’ont rapporté.

 J’affirme encore avoir vu dom Yves après cette époque sortir chaussé de gros souliers à courroies ; et j’ai entendu dire à son serviteur, son clerc, nommé Olivier, qu’il portait un cilice à même la peau. J’ai vu et entendu plusieurs fois dom Yves prêcher, célébrer des messes et prier avec une très grande dévotion, distribuer aux pauvres ses biens, visiter les malades, apporter aide et consolation à ces personnes malheureuses. Tout cela que j’ai dit est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier et dans les autres régions circonvoisines. Je n’ai pas assisté à la mort de dom Yves, mais j’étais bien à sa sépulture dans l’église de Tréguier. J’y ai vu à cette occasion une foule de gens qui touchaient alors le corps de dom Yves ou la civière sur laquelle il gisait. Certains le faisaient avec leurs capuchons, quelques-uns de leurs mains, du mieux qu’il pouvaient. Il y avait là une immense multitude de pauvres, d’estropiés, d’infirmes et d’autres qui pleuraient sa mort … »

Cet épisode nous interroge sur notre pratique des « œuvres de miséricorde ». Yves va au-devant des attentes des pauvres, anticipe pour mieux servir. Portons-nous ce souci en nos cœurs comme une priorité ?

Pour G. Pierre, prêtre, il « visitait les malades au lit, pauvres ou riches, à l’Hôtel-Dieu et dans les maisons particulières. » « Je l’ai accompagné bien des fois jusqu’aux maisons des malades » ajoute l’abbé Pierre. Beaucoup se rappellent qu’il les a visités – une priorité de ses journées – avec joie et humilité, leur apportant le réconfort et l’amour de Jésus. Ses visites selon le recteur G. Jubiter sont « très fréquentes, réconfortant et entretenant des choses de Dieu. » « Avaient-ils besoin de ses biens, ils le lui disaient en confiance et lui d’un cœur généreux apportait le nécessaire » ajoute D. Jameray. Et Geoffroy Jubiter, recteur de l’église de Trédrez, témoin 30, ajoute : « Dom Yves avait plus d’affection pour les pauvres que pour les riches ; il faisait aux malades des visites très fréquentes, les réconfortant et les entretenant des choses de Dieu, et il leur distribuait ce qu’il pouvait en aumône de pain, de vin et d’argent. Je le suivais presque toujours ; je portais sa Bible et son bréviaire. J’entendais et je voyais tout cela. »

Panthonada, la femme du jongleur Rivallon, hébergés pendant des années à Ker Martin, émue, évoque la tendresse de dom Yves : « aux malades et infirmes il donnait du pain blanc de froment …plaçant tout près de lui les grands infirmes et les gens difformes, » « au milieu des plus maléficiés  » précise sa fille Amicia, son frère Jacquet confirme : « il les consolait dans leurs maladies …les réconfortait… très enclin à la pitié, il renonçait à manger et à boire pour visiter les malades, tous sans exception, il les consolait dans leurs maladies … il m’a visité quand j’étais malade. » D’autres se rappellent qu’il fait mettre du beurre sur la table et faire du feu. G. de Karanzan précise : « lui ne se chauffait pas mais achetait du bois pour eux et les plaçait près du feu. »

Auprès d’Yves, les malades revêtent leur dignité d’enfants de Dieu jusqu’en la mort. H. Nicolay explique : « il ensevelissait de ses propres mains dans l’hôpital les pauvres, les portait sur un brancard, leur donnait des suaires. » Frère Maurel complète : « un malade pauvre mourut dans sa maison. Ce jour-là les pauvres n’y vinrent pas car ils ne voulaient ni laver ni ensevelir le défunt à cause de l’odeur fétide que dégageait son cadavre. Dom Yves et frère Olivier le lavèrent humblement et dévotement. Dom Yves cousait le suaire, coupant le fil avec ses dents. »  Pensons au vieux Tobie donnant pain et vêtement : « si je voyais le cadavre de quelqu’un de ma nation … je dérobais leurs corps et les enterrais.» (Tobie 1 ,15-16)

Historique : de l’hôtel-Dieu au monastère

En 1654, l’Hôtel-Dieu de Tréguier est en très mauvais état. Grâce à l’intervention de Pierre de Loz, seigneur de Kergoanton, et de sa femme Françoise de Kergroadez, appuyés par l’évêché de Tréguier en la personne de Monseigneur Grangier, la communauté de ville admet la fondation d’un nouvel établissement et fait appel aux Augustines Hospitalières de Quimper. Les religieuses commencent par restaurer la chapelle Sainte-Marie-Madeleine en 1655 comme en témoigne la plaque de fondation placée dans le chœur.

La hauteur de la salle des passants est abaissée de 3 ou 4 rangs de pierre de taille pour construire au-dessus le chœur des sœurs en communication avec la chapelle Sainte-Marie-Madeleine. En réponse à ce nouvel aménagement, la circulation à l’intérieur de la chapelle est modifiée : la clôture d’origine qui séparait la nef du chœur est supprimée, les religieuses disposant dorénavant d’un nouveau chœur à la mesure de leur congrégation.

Entre 1662 et 1663, les travaux se poursuivent par l’édification d’un grand corps de logis comprenant une allée de cloître, un réfectoire, un double dortoir, une salle de communauté, un noviciat.

De 1666 à 1669, un nouvel hôpital est construit dans le prolongement de la chapelle, avec une salle des hommes (1672) et une salle des femmes (1695). Ces bâtiments sont démolis fin 1852 pour élever à la place un nouvel hôpital terminé en 1856, converti en hôtel puis en résidence hôtelière en 1990.

Dans le jardin du couvent, la petite chapelle du cimetière, l’Oratoire Saint-Pierre, édifié dans la seconde moitié du 17ème siècle, est reconstruite au début du 19e siècle.

En 1823, commence la construction d’une aile perpendiculaire au corps de logis pour loger le pensionnat de jeunes filles.

En 1896, la maison Saint-Yves, destinée au repos des prêtres, est construite dans le prolongement de l’hôpital.

En 1935, une galerie de jonction entre le cloître et l’hôpital est ajoutée car, contrairement à l’ancien bâtiment du 17ème siècle, le nouvel hôpital de 1856 n’est pas de plein pied avec la chapelle mais décalé vers l’ouest (plan cadastral de 1834).

Les religieuses quittent le monastère en 1995, la propriété appartient désormais à l’association Diocésaine.

L’ensemble a fait l’objet d’une protection au titre des monuments historiques : l’aile de 1823, les façades et toitures des bâtiments reliant le parloir à l’aile du 17ème siècle et ceux y donnent accès à partir de la rue Gambetta sont inscrits Monuments historiques en 1997 ; la chapelle Sainte Marie-Madeleine, le chœur des religieuses, l’aile du 17e siècle et la chapelle du cimetière sont classés MH en 1999.

Quand en 2014, Loïc Blin prend le poste d’économe diocésain du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, le monastère est considéré par certains comme «une épine dans le pied » du diocèse. Depuis le départ des religieuses en 1996, les projets de réhabilitation du monastère n’ont pas manqué. Tous ont capoté. Propriétaire, le diocèse a d’abord pensé à transformer le site en centre médico-social. En vain, faute d’associés. Il a également songé à y établir un centre de ressources au service de la justice et du droit (assistance juridique pour les plus démunis, formation de juristes, colloques etc.). Mais là aussi, faute de partenaires, le projet n’a pas abouti. On a alors songé à une vente des bâtiments à des promoteurs. Hypothèse écartée par Mgr Moutel.

Jean-Pierre Batany, correspondant Ouest-France à Tréguier explique : « Depuis le départ des religieuses, ce grand vaisseau de pierres de 5 000 m² est livré aux griffes du temps. Des travaux de consolidation du bâti ont dû être réalisés en urgence en 2012 pour un montant de 210 000 €. Il poursuit : L’accès aux anciennes cellules des sœurs est devenu impossible. Le couloir est un vrai mikado de poutres métalliques qui maintiennent les murs debout.» En effet pour stopper la chute, les murs de la façade de l’aile du XVIIème ont été confortés avec des barres en inox ; le pignon ouest du bâtiment du XIXème  a été renforcé par un ceinturage. La mérule atteint charpentes et des planchers. Les 10 000 m² de jardin sont à l’abandon et parfois squattés.

Description du site

Le couvent est établi au carrefour des rues de la Chalotais et Gambetta. Le grands corps de logis, l’aile des pensionnaires et l’hôpital sont disposés autour d’un parterre ouvert à l’Ouest sur le jardin du couvent dont la surface couvre un hectare. Accolé à cet ensemble, au Sud-Est, quatre autres bâtiments sont regroupés autour d’une petite cour intérieure formant le noyau primitif du monastère.

La partie la plus ancienne, dite “salle des passants“, est accessible depuis la rue de La Chalotais, éclairée par cinq fenêtres en arc brisé. Cette pièce en demi-sous-sol abrite le vieux parloir. Celui-ci est surmonté par le chœur des religieuses construit perpendiculairement à la chapelle Sainte-Marie-Madeleine avec laquelle il communique par une grille en fer forgé monumentale.

La chapelle présente une nef unique dont le chevet plat était à l’origine éclairé par la baie du pignon Est avant que le grand retable occupe toute sa hauteur.

Le bâtiment de l’infirmerie est construit contre la chapelle, à l’ouest. Un hagioscope pratiqué dans le mur nord de la chapelle permet aux malades de suivre l’office depuis l’infirmerie située au 1er étage.

Enfin, une aile reliant la salle des passants au grand corps de logis et à l’infirmerie ferme le quatrième côté de la petite cour intérieure. Elle abrite un parloir au rez-de-chaussée et une sacristie à l’étage qui dessert le chœur des religieuses.

L’hôpital est construit dans le prolongement ouest de la chapelle, le long de la rue Gambetta, relié au sanctuaire par une galerie. Il comprend deux étages éclairés par une série de fenêtres en plein cintre. L’arcade ménagée dans le pignon ouest de la chapelle avec sa clôture pour les malades témoigne de l’époque où l’ancien hôpital communiquait directement avec le sanctuaire.

Ouvert sur le jardin, le grand corps de logis est édifié dans le prolongement de l’infirmerie avec laquelle il est raccordé par l’imposant escalier à retours en pierre qui dessert les étages. Il présente une élévation ouest ordonnancée à trois niveaux plus combles : au rez-de-chaussée un cloître à neuf arcades en plein-cintre, au 1er étage des petites fenêtres, au 2ème étage des fenêtres mansardées surmontées d’un fronton alternativement plein-cintre et triangulaire. Cette aile abrite l’oratoire, le réfectoire, la cuisine et l’escalier. Au 1er  étage, 18 cellules reliées à l’infirmerie. Au 2ème étage, les 17 cellules du noviciat (la 18e remplacée par un dégagement qui permet d’accéder à l’aile 19e siècle), une bibliothèque et la lingerie au-dessus de l’infirmerie. Les dispositions d’origine subsistent, notamment les cellules et les pièces de communauté, avec leurs décors intérieurs, huisseries des portes, clôtures, lambris, cheminées.

L’aile du pensionnat est construite perpendiculairement au grand corps de logis. Il présente trois niveaux plus une double-comble qui ne correspondent pas à ceux de l’aile 17ème. L’élévation sud est ordonnancée, à huit travées : au rez-de-chaussée le cloître et ses arcades en plein cintre, au 1er et 2ème étage des petites fenêtres, dans les combles des lucarnes rectangulaires. Les étages sont desservis par deux escaliers : un escalier tournant à retour en bois situé dans la première travée Est et un escalier secondaire au centre du bâtiment. Le rez-de-chaussée de ce pensionnat abrite salle de réunion et salle à manger tandis qu’aux étages, des chambres sont disposées de part et d’autre d’un couloir central clos par une porte à claire-voie comme dans l’aile du 17ème. Le comble est dévolu au dortoir des pensionnaires.

Outre leur architecture de grande qualité, ces bâtiments ont conservé un mobilier remarquable, le couvent des Augustines abrite un ensemble d’objets mobiliers d’une grande diversité, reflet de la vie spirituelle et temporelle des religieuses. Objets du culte, instruments de piété, tableaux à la mémoire des religieuses ornent chapelle, chœur des sœurs, sacristie, réfectoire et escalier du grand corps de logis. De cet ensemble émerge le retable en bois doré réalisé pour le chœur de la chapelle Sainte-Marie-Madeleine en 1676, œuvre majeure classée au titre objet en 1995. La conception très savante de ce retable, remarquable par la finesse et la variété de son décor sculpté et peint dans le grand style Louis XIV, est certainement le fruit d’un atelier parisien. Au centre du retable, le sujet royal de l’apothéose de Saint Louis indique une commande issue d’un mécénat seigneurial, peut-être celui de l’évêque. L’autel est recréé au 19ème siècle, sorte de châsse ouverte abritant le gisant de sainte Marie-Madeleine, patronne de la chapelle.

L’ensemble de stalles du 17ème siècle conservé dans le chœur des sœurs avec le décor de boiserie est remarquable, également classé en 1995. Contrairement au retable, il est le résultat d’une interprétation et d’une exécution locale d’après un dessin savant. Le chemin de croix en plaques de cuivre estampées et argentées est signé et daté : Léopold Germain père (éditeur de bronzes d’art), Jean-Baptiste Germain (sculpteur), 1868. D’autres chemins de croix identiques se trouvent dans les églises de Minihy-Tréguier et de Plestin-Les-Grèves, œuvres sérielles de qualité.

Certains instruments de piété comme les paradis et les reliquaires ont été réalisés par les sœurs durant leurs loisirs. Ces tableaux ou boîtes vitrées contenant des scènes religieuses fabriquées à l’aide de coquillages, de verre et autres petits objets métalliques montrent une adresse manuelle et un goût artistique prononcé.

Le matériel médical témoigne de la vocation hospitalière des Augustines. D’autres instruments ou outils évoquent la vie domestique des sœurs converses au travers, notamment, de la fabrication des cierges, des hosties et des santons, du repassage et de l’activité de filage et de tissage très présente au sein des couvents.

Pour aller plus loin :

https://fonds-saintyves.fr/connaitre-saint-yves/saint-yves-une-vie-de-service-et-damitie-aux-cotes-des-pauvres-par-daniel-giacobi/

https://fonds-saintyves.fr/le-patrimoine-de-saint-yves/visites-du-monastere-sainte-marie-madeleine-des-augustines-de-treguier/

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/couvent-des-augustines-ancien-hotel-dieu-rue-de-la-chalotais-treguier/8ced6419-57ca-48d1-999f-14341603d70e

À Tréguier, l’ancien couvent des Augustines racontera la vie des moniales [En images] – Lannion – Le Télégramme (letelegramme.fr)

Côtes-d’Armor. À Tréguier, l’ancien monastère des Augustines sera réhabilité et transformé en musée (ouest-france.fr)

Tréguier – Patrimoine. Au chevet des Augustines – Le Télégramme (letelegramme.fr)

Tréguier. L’avenir du monastère des Augustines confié à des experts (ouest-france.fr)

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3 commentaires sur “« Nous n’abandonnerons pas le monastère des Augustines de Tréguier ! » Mgr Denis Moutel

  1. Jean-Yves le

    La sœur de mon grand-père, Joséphine Guézennec, était religieuse dans ce monastère. Sœur Saint Jean-Baptiste de Jérusalem est hélas décédée en 1978, j’avais 4 ans 1/2 … Elle était ma tata préférée, je voulais aller la voir tous les dimanches. Je n’ai hélas pas beaucoup de photos d’elle. J’ai l’impression de la reconnaître (la 4ème religieuse à droite) sur la photo du Ouest-France. J’espère que ce bâtiment gardera une vocation sociale et religieuse.

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  2. Sr Anne-Marie DAUGUET le

    Bonjour,
    Un très grand merci pour cet excellent article qui nous réjouit. La dernière soeur professe de Tréguier sera très heureuse de le lire, comme chacune d’entre nous, comme Augustines de la Miséricorde de Jésus, et nous ici à Gouarec, “petites-filles” des Augustines de Tréguier.
    Merci encore.
    Soeur Anne-Marie,supérieure des Augustines de Gouarec.

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    • Daniel G. le

      Oui Sr Anne-Marie, portons fidèlement ce projet dans la prière pour qu’il aboutisse au plus vite, par l’intercession de saint Yves et de toutes les sœurs Augustines qui, à Tréguier, ont consacré leur vie aux malades.
      Daniel Giacobi webmaster du site du Fonds Saint-Yves

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