Sur les pas de saint Yves, juin 2022

En s’abandonnant dans la confiance, le témoignage d’une marcheuse.

J’ai découvert les chemins de Saint Yves il y a quelques années. Nous rentrions de trois semaines de marche en famille sur les chemins de Compostelle avec nos filles de 2 et 5 ans. Je cherchais un itinéraire local à explorer pour prolonger cette expérience simple de promenade dans la nature, propice aux rencontres et à la prière.

J’ai trouvé le Fonds Saint-Yves assez vite dans mes recherches sur internet. Après un contact amical avec Daniel et Alyette, la créatrice des Chemins de Saint Yves,  nous avons eu l’idée d’organiser une marche des familles. Nos filles allaient alors à l’école Saint-Yves de Rennes. Nous avons alors décidé que nous ferions un petit bout de la route chaque année avec les familles de l’école, guidées par Daniel et Alyette, nos fidèles retraités. Nous avons marché de Trédrez à Louannec. Mais le confinement est arrivé et nous avons quitté cette école.

Cette année, les amis de l’école Saint-Yves nous ont rappelés pour les rejoindre et vivre avec eux l’arrivée à Tréguier.

J’étais heureuse de retrouver Alyette qui, touchée par « Le chemin des Estives » de Charles Wright, m’a partagé son désir. Elle cherchait une personne pour parcourir le chemin de Saint-Yves en intégralité, de Trédrez à Paimpol, à la manière de François d’Assise, sans argent et sans téléphone. Un ou une pèlerine, ouverte à la rencontre et prête à être volontairement dépendante de l’accueil de ses frères et sœurs croisés sur la route.

De mon côté, après avoir quitté mon poste d’orthophoniste, je finissais une formation belge pour devenir clown en soin relationnel. Là, je m’ouvrais à d’autres formes d’accompagnement et de communications complémentaires au langage verbal (corporelle, relationnelle, émotionnelle).

Cette formation m’avait éveillée à l’Art de la Rencontre, au précieux de l’ouverture à l’inconnu de moi et de l’autre, qui se révèle et se renouvelle dans toute relation. Être en état clown, c’est être disponible à ce qui est là, ici et maintenant, et le recevoir avec mon corps, tous mes sens, mon cœur et mes entrailles, dans le lien avec un autre. C’est aussi, en conscience, se laisser surprendre par l’histoire qui va naître de nos mises en présence.

Dans mon vécu de Foi, celui que je nomme l’Esprit Saint, est à l’œuvre chaque fois que je me laisse ouvrir à la vie, que je dis oui à ce qui se présente. Il est cet amour inconditionnel offert abondamment à chacun et chacune. Il me donne cette confiance et cette reliance en humanité avec la part sacrée de mon semblable pourtant si différent. Il me donne l’écoute et la compassion, la joie d’être vivant et la Paix de me savoir aimée et accompagnée à chaque pas.

Et j’ai dit OUI à Alyette et me voilà envoyée et bénie par ma « marraine des chemins de Saint Yves » à 7h30 un samedi matin. Je me sens portée par les cœurs, les pensées ou les prières de mes amis, de ma famille. Je suis remplie de confiance et d’enthousiasme pour cette aventure toute simple, pas loin de chez moi.

Je pars avec deux bracelets de tissus. L’un au poignet gauche sur lequel j’ai inscrit les intentions de prières que je porte ou qui me sont confiées avant le départ et l’autre au bras droit, prêt à accueillir dans la prière les personnes croisées sur le chemin. Ces bracelets interrogent parfois et me donnent l’occasion de recueillir au fil des échanges les grands désirs des uns (se sentir utile à la retraite, trouver un métier où se réaliser pleinement, communiquer mieux avec ses enfants … ) les détresses des autres (blessure d’enfance, vide spirituel, deuils …) et de les confier à plus grand que Moi, à Dieu dans ma marche.

Chaque personne ou famille qui m’ouvrent ses portes pour le dîner, la nuit et le petit déjeuner me fait déborder le cœur par sa confiance et son hospitalité. Quelle générosité, quelle audace de se laisser dé-ranger par une inconnue dont on ne pouvait prévoir la venue ! Je me sens à l’aise pour demander un toit ou du pain. Je peux aussi dire facilement ma gratitude à tous ces amis sur la route. Ce qui m’est moins évident est peut-être de partir en n’ayant eu à offrir que ma seule présence à mes hôtes.

Une femme me signifie que ma présence est un cadeau. Je touche la Grâce de l’aventure réciproque que permet cette rencontre pour ceux qui se sont laissé ouvrir la porte et le cœur. Chaque soir j’arrive étrangère, chaque matin je quitte des frères et sœurs . Chacun m’enseigne, chacune me nourrit.

Chez V. et N. j’apprends que « chaque chose à sa place » dans leur maison déploie chez eux une grande disponibilité et un profond repos. Mes premiers hôtes sont très respectueux de leur environnement mais aussi l’un de l’autre. Ils offrent autant de curiosité et d’attention l’un pour l’autre qu’à mon égard, leur pensionnaire inconnue d’un soir. Garder ce cœur ouvert à la surprise dans l’ordinaire, rester prompt à l’étonnement après 40 ans de vie commune, quelle leçon !

Chez S., B. et leur petite fille je découvre la joie, l’optimisme et l’âme d’enfant à entretenir. Cette enfant de 4 ans me touche par sa capacité naturelle à m’inviter à la rencontre. Elle me partage ses chips, puis m’invite à visiter sa chambre, à jouer aux Playmobil. Vite elle me demande de rester toujours dans sa maison, de faire venir ma famille. Je repars ce matin là sous la pluie, le cœur bondissant de joie !

Chez C. et L., il y a des chantiers en cours un peu partout dans le jardin, dans la maison. C’est un lieu en travaux, une famille éprouvée. Je ressens l’épuisement professionnel, les difficultés à s’accorder, à se comprendre, à s’adapter. Et je suis accueillie simplement, dans cette vérité-là, sans cacher les problèmes du quotidien car rien n’a été anticipé pour ma venue. Je suis là et nous mangeons à la même table. C’est très touchant.

Chez I., j’arrive tard. Je cherche un endroit où partager le dîner et passer la nuit. Elle me répond sobrement : « c’est ici». Oui, c’est bien là que je vis l’aventure de la rencontre ce soir-là. I. ne s’encombre pas de choses inutiles. Quand elle a trop elle donne, quand elle manque, elle demande. Je pars le matin avec un bandage au genou et des viennoiseries pour la route. Nous nous embrassons chaleureusement.

Enfin chez A. et M., c’est simple, joyeux et nous partageons notre expérience de Foi. J’apprends que malgré de graves traumatismes d’enfance, des douleurs corporelles permanentes, on peut être vivant, pleinement, et prendre soin des autres par la prière.

Sur le chemin, je ne manque de rien. Si j’accepte les provisions pour la route, je quitte vite les « au cas où » des deux premiers jours pour m’abandonner à la Providence et n’accepter que ce dont j’ai besoin maintenant. J’apprends la confiance.

Je suis légère de n’avoir rien d’autre à faire qu’à marcher, qu’à prier, qu’à me laisser être là. Je suis légère de n’avoir pas de rôle à tenir, d’agenda à prévoir. Le balisage que je perds parfois me réjouit. Il est mon repère, ma sécurité. Je me perds souvent et lorsque je retrouve la silhouette de mon bon Saint Yves, compagnon fidèle, je ris, je l’interpelle et vit des retrouvailles joyeuses comme une enfant qui retrouverait un guide pour l’itinéraire de la chasse au trésor.

Le chemin est ma colonne vertébrale. Tout autour de cet axe tracé par Saint Yves, signalé par mes amis, je me laisse vivre ce qui se présente, avec délectation, avec émerveillement. Seule sur la route, je parle, je chante, je prie. Je pleure, je crie les souffrances de ce monde, les détresses de mes proches et je célèbre la beauté de notre humanité, de la Création et de tous ces désirs profonds présents au cœur de chacune des personnes que je découvre ici.

Parfois un ange apparaît, qui me rapporte un papier précieux égaré, qui fait un bout de route avec moi pour ramener à la carte au trésor, qui m’abreuve d’un verre d’eau ou d’une parole. Dans les chapelles, je discute avec les Saints, je dépose mes frères et sœurs de pèlerinage sur terre, je trouve un abri, je prends le temps du repos.

Jamais je n’ai eu peur, jamais je n’ai douté. J’ai reçu ce dont j’avais besoin et plus encore.

La parole de Dieu m’a accompagnée, portée, guidée.

 

Je trouve le dernier jour quelques pages de Sœur Emmanuelle dans un livre, dans une petite cabane où il est déposé. Je prends les trois pages sur lesquelles je tombe en l’ouvrant, je les cueille tant elles me rejoignent profondément :

Comme le disait Pascal, l’homme cherche l’homme. Il n’est heureux, en effet, que dans une relation simple, harmonieuse, chaleureuse, avec ses semblables. Rien de plus allègre, alors, que les occasions de rencontre dans les menus incidents de la vie quotidienne. Elles ont la fraîcheur de l’eau qui cascade de la montagne.

Les occasions de rencontre de l’autre, deviennent occasion de libérer, ô homme, ce pour quoi tu existes : communiquer, communier avec celui ou celle qui est pétri de la même chair, doué du même esprit, animé du même cœur que toi !

Je pourrais continuer à écrire encore les mots de sœur Emmanuelle qui me rejoignent tant dans mon chemin de clown que dans mon chemin de Foi.

J’arrive à l’abbaye de Beauport riche de cette expérience, vivifiée par les rencontres, confiante en notre humanité. Je demande une dernière fois mon chemin. L’homme qui me répond vit dans l’abbaye et nous rentrons chez lui ensemble. J’arrive, l’angélus sonne.

Il est 19 heures tout pile. Alyette m’attend. Ma vie aussi.

Merci ma famille, merci les amis, merci mon Dieu, merci Saint Yves !

                                                                                                                                                                                                                  Fanny P.

Pour aller plus loin :

https://fonds-saintyves.fr/le-patrimoine-de-saint-yves/le-chemin-de-saint-yves/partir-a-laventure-sur-les-routes-du-tregor-une-proposition-de-pelerinage-dans-lesprit-de-saint-yves/

https://fonds-saintyves.fr/connaitre-saint-yves/decouvrez-et-telechargez-lappli-gratuite-du-fsy-le-pays-de-saint-yves-ou-the-land-of-saint-yves/

https://fonds-saintyves.fr/le-patrimoine-de-saint-yves/saint-yves-patron-de-la-bretagne-sur-kto-un-film-de-armand-isnard-avec-la-collaboration-du-fsy/

Faire un don au Fonds Saint-Yves pour qu’il développe ses activités :

https://fonds-saintyves.fr/agir-avec-le-fonds-st-yves/appel-aux-dons-du-fonds-saint-yves/

 

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Un commentaire sur “Sur les pas de saint Yves, juin 2022

  1. Pierre P. le

    Le paragraphe : ” Le chemin est ma colonne vertébrale…….. que je découvre ici ” a retenu mon attention célébrer et vivre avec vous la Vie créative incarnée par la multitude des rencontres humaines dans la simplicité, avec notre intercesseur “MONSIEUR SAINT YVES”. Vous avez placé vos pas dans les siens en vous abandonnant à sa personne dans la confiance.
    A Fanny, à ma cousine et autres Témoins. De cœur et plus.

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