« Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. » (Jean 19 29-30)
Pour Yves le chemin aboutit au seuil de la Jérusalem céleste un 13 mai 1303.
Il a donné tout ce dont il disposait. Denis Jameray se souvient d’une grande famine, Yves n’a plus rien pour les pauvres~:
allez dans mon verger, voyez si les fèves qui s’y trouvent sont bonnes à manger, si elles le sont, cueillez-en à volonté
. Il se dépouille aussi de son image sociale ne craignant pas les critiques de certains.
Yves interroge notre rapport à l’argent, aux biens. Pourquoi accumulons-nous des richesses~? En vue du ciel ? Posons-nous la question dans la prière.
Yves nous interroge encore. La charité matérielle ne peut suffire, Yves se donne tout entier, rejoint pauvres et malades avec délicatesse, les vénère dans leur dignité de fils de Dieu. Yves est un saint à genoux devant l’homme, incarnation de la Miséricorde de Dieu qui traverse les âges par les gestes de tant de saints.
Yves nous interroge sur notre pratique des « œuvres de miséricorde ». Il va au devant des attentes des pauvres, anticipe pour mieux servir. Portons-nous ce souci en nos cœurs comme une priorité ?
Il va user toutes ses forces au service de Dieu et des hommes. Dame Typhaine de Pestivien le reçoit au manoir de Coatredrez trois semaines avant sa mort, Yves se confie à elle :
“j’ai cru mourir. Je le désire beaucoup, pourvu que cela plaise à Dieu – Ce ne serait pas avantageux pour moi et beaucoup d’autres lui” dis-je,“ car nous trouvons en votre vie et vos enseignements grand profit.” – “Je suis heureux de mourir car je crois que par la grâce de Dieu j’ai soumis mon ennemi”, me répondit-il
L’heure est venue, pourtant il prêche, confesse, poursuit ses austérités malgré l’évêque et frère Pierre :
il eut besoin de sortir, j’en profitais pour mettre de la paille sur les planches de son lit. De retour, voyant la paille, il l’enleva. Guillaume Adegan de Plouguiel entend Yves refuser le médecin :
je n’ai jamais eu d’autre médecin que Notre Seigneur Jésus-Christ. La nouvelle de sa maladie se répand, Yves envoie Jacquet, son serviteur, retenirles gens qui affluaient à son chevet, surtout de Louannec
, preuve de l’affection de ses paroissiens.
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Témoin N°1 : Noble dame Typhaine de Pestivien, épouse de noble homme seigneur Alain de Keranraef, chevalier, paroissien de Saint Michel en Grève, diocèse de Tréguier, âgé de 60 ans…
« Je jure que j’ai connu dom Yves huit bonnes années durant, ces années qui ont précédé sa mort. Je l’ai vu plusieurs fois à Pestivien, à Glomel, à Guézec, diocèse de Quimper. A cette époque-là il était le confesseur de dame Constance de Roscavel, ma mère…
Il ne prononçait que des paroles de bien et salut, et ne se mettait jamais en colère, mais il s’avançait et faisait toutes choses avec un visage bienveillant et joyeux. Je l’ai vu et entendu bien des fois à l’époque et dans les lieux que j’ai dits, et au manoir de Coatredans du seigneur Alain…
Dom Yves était très assidu aux prières, et très dévot. Je l’ai vu et entendu de nombreuses fois dans les endroits que j’ai dits, où il célébrait chaque jour quand il y résidait. Avant et après ses messes il s’attardait à prier à genoux, avec une dévotion et une contrition qui me paraissaient très grandes.
C’était à Coatredrez, dans notre manoir, à mon mari et à moi, dans les trois semaines qui ont précédé sa mort, que dom Yves me dit :
“II n’y a pas longtemps j’ai été malade et j ai cru mourir. Je le désire beaucoup, pourvu que cela plaise à Dieu”
– “Ce ne serait pas avantageux pour moi, lui dis-je, et pour beaucoup d’autres. Car nous trouvons dans votre vie et dans vos enseignements un grand profit”
– “Vous-même ou qui que ce soit d’autre”, me répondit-il, “vous vous réjouiriez si vous aviez remporté une victoire sur votre adversaire ou sur votre ennemi. De même je suis heureux de mourir, car je crois que par la grâce de Dieu, j’ai soumis mon ennem” ».)]
[(
« Je n’aurai à rougir de rien ; au contraire, je garderai toute mon assurance, maintenant comme toujours ; soit que je vive, soit que je meure, le Christ sera glorifié dans mon corps. En effet, pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. Mais si, en vivant en ce monde, j’arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir. Je me sens pris entre les deux : je désire partir pour être avec le Christ, car c’est bien préférable ;mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire. »
Philippiens 1, 20-24
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Dépouillé comme le pauvre, Yves revêt le Christ. « Vous avez revêtu le Christ. » (Galates 3, 26). À Tréguier la sainteté médiévale réussit sa greffe sur le cep de l’austère sainteté celte.
En 2003, 7è centenaire de la mort d’Yves, saint Jean Paul II écrit à Mgr Fruchaud, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier:
Yves choisit de se dépouiller progressivement de tout pour être radicalement conformé au Christ, voulant le suivre dans la pauvreté, afin de contempler le visage du Seigneur dans celui des humbles auxquels il a cherché à s’identifier
.
[(Méditer avec le Cal Journet :
Confiance en l’accomplissement de la mission du Fils « Tout est accompli. » (Jean 19 30) Les prophéties anciennes sont accomplies comme le montrent les précédentes paroles du Christ en croix qui renvoient aux Écritures. Mais aussi, et surtout, est accomplie la volonté du Père. Par le Christ, la création toute entière s’est vue montrer la voie de son Salut, et par la souffrance de la croix l’œuvre rédemptrice est achevée. Le Christ ayant accompli son œuvre peut paisiblement s’en remettre à la mort. Cette parole est une invitation à placer notre confiance en Lui : s’il affirme que tout est consommé au moment de sa passion, c’est que sa mort pour nous est véritablement la culminance de son œuvre rédemptrice et qu’après elle ne peut venir que la parousie où, après que tout ait été consommé, tout sera « soumis au Père ».
Cardinal Charles
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