6 décembre 2020 : 2ème dimanche de l’Avent : V comme Voie
2ème semaine de l’Avent, 2ème lettre du mot Avent : V comme Voie. La Voie permet de Venir, nourris par l’Attente de la 1ère semaine de l’Avent, nous voulons maintenant préparer dans nos cœurs la Voie, le chemin, par lequel Jésus Va Venir à nous. Il nous rejoint dans notre chair, par son Incarnation dans le sein de la Vierge Marie, par la Venue de l’Esprit Saint en son corps.
Lorsqu’elle était enfant, la Vierge Marie attendait au cœur de son peuple Israël, avec son peuple – [ un petit peuple, ballotté par l’histoire, qui a survécu à toutes les confrontations avec les Empires voisins en gardant toujours la certitude d’être l’instrument d’un dessein divin, le « peuple de Dieu » ] – la Venue du Messie promise au roi David, annoncée pas seulement par la Voix d’un seul prophète mais par une longue série de prophéties. Marie avant d’accueillir Jésus en son sein, a, par toute l’éducation biblique assurée par Anne et Joachim , et par sa foi, accueilli la Parole de Dieu. Elle a désiré de tout son cœur ardent d’enfant et de jeune fille la Venue du Messie.
Vitrail de Sainte Anne, Eglise Saint-Maudez à Hengoat
« Il Vient le Rédempteur » : https://youtu.be/VsjqikL8WJI
À la lumière qui nous parvient par cette Voie ouverte en nos cœurs relisons dans la prière la Parole de Dieu reçue en ce 2ème dimanche de l’Avent : https://www.aelf.org/2020-12-06/romain/messe
- Lecture du livre du prophète Isaïe (Is 40) « …Une Voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! Que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! … la bouche du Seigneur a parlé. » … « Voici votre Dieu ! » Voici le Seigneur Dieu ! Il Vient avec puissance … Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent. »
- PSAUME (84 (85) R/ Fais-nous Voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. « J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles. Amour et Vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent … La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. »
- Lecture de la deuxième lettre de saint Pierre apôtre (2 P 3) « Bien-aimés … Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers Vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il Veut que tous parviennent à la conversion … Vous Voyez quels hommes Vous devez être, en Vivant dans la sainteté et la piété, Vous qui attendez, Vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu … en attendant cela, faites tout pour qu’on Vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix. »
- Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 1-8) Alléluia. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être Vivant verra le salut de Dieu. Alléluia. (cf. Lc 3, 4.6) « … Il est écrit dans Isaïe, le prophète : » Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain … Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je Vous ai baptisés avec de l’eau ; Lui Vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
- Et dans la liturgie du lundi 7 décembre 2020, laissons-nous interpeller par le texte d’Isaïe 35 « La terre brûlante se changera en lac, la région de la soif, en eaux jaillissantes. Dans le séjour où gîtent les chacals, l’herbe deviendra des roseaux et des joncs. Là, il y aura une chaussée, une voie qu’on appellera : la Voie sacrée. L’homme impur n’y passera pas – il suit sa propre voie – et les insensés ne viendront pas s’y égarer.
L’Avent est un temps de conversion. Prenons le temps de la prière :
Seigneur Esprit Saint montre-moi quels sont dans ma vie les ravins à combler (par exemple par rapport un pardon jamais donné … ), les montagnes à aplanir (on « se fait souvent une montagne » de simples malentendus faciles à raser avec un peu de bonne volonté), les sentiers à redresser quand je m’éloigne de la bonne route. « Tes oreilles entendront derrière toi une parole : « Voici le chemin, prends-le ! » (Is 30)
Seigneur montre à chacun de nous quelle est cette » Voie sacrée » (Is 35) que l’Esprit Saint nous propose de prendre en cette 2ème semaine de l’Avent ?
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Saint Yves est un homme de la voie, du chemin.
Tout enfant, comme les paysans du Trégor, Yves arpente les chemins entre Kermartin et Tréguier. À la cathédrale il rencontre des grands marcheurs, les pèlerins du Tro Breizh faisant étape au tombeau de saint Tugdual ou ceux venus là pour confier au premier évêque de Tréguier leur pèlerinage vers Saint-Jacques, Rome ou Jérusalem. Le pèlerinage est alors l’expression d’une foi profonde qui anime hommes et femmes, du plus ordinaire jusqu’aux têtes couronnées. Elle imprègne le garçonnet qui brûle d’emprunter les voies tracées par ces glorieux ou humbles prédécesseurs. On marche beaucoup au Moyen Âge, la marche appartient au quotidien. Yves, étudiant, rallie Paris à pied, un trajet de deux à trois semaines par Chartres.
Malgré ses hautes fonctions et occupations multiples, Yves a toujours circulé à pied, façon de se mettre au niveau des plus humbles. Cela interpelle les témoins car son rang lui permettrait de disposer d’un cheval. Alain Soyan, clerc, remarque : « il pouvait se déplacer à cheval et pourtant il accompagnait à pied son évêque dans ses visites pastorales ». Pour Alain Thomas « il pouvait entretenir un bon cheval, s’il avait voulu vivre selon ses moyens. » Geoffroy Jubiter, recteur de Trédrez, raconte qu’un jour l’évêque fait mener à Yves un palefroi « et voulant prendre la route sans tarder, dom Yves m’intima l’ordre, à moi son clerc, d’enfourcher la bête et c’est ce que je fis, tandis que lui me suivait à pied. »
Statue de saint Yves à Brélévenez portant une pyxide d’argent
Yves marche les yeux baissés vers le sol, le capuchon sur la tête, tout donné au dialogue intérieur avec le Bien-Aimé car il porte presque toujours sur lui le Corps du Christ, dans une pyxide, précieux trésor, qu’il est prêt à dilapider pour tous ceux qui sont dans le besoin. Le témoin 4 , Jean de Pestivien, chevalier, seigneur de Pestivien, raconte : « Dom Yves portait sur sa poitrine une petite boîte en argent, très belle, dans laquelle il conservait le Corps du Christ qu’il administrait aux malades qu’il visitait, chaque fois qu’il lui semblait qu’il y avait lieu de le faire. » Louons le Seigneur pour Yves, serviteur du Christ, prêt à déployer la double table de la Parole et de l’Eucharistie pour la pauvresse, le damoiseau ou le mourant que l’Esprit Saint met sur sa route. Ses sens sont en éveil, les chemins creux du Trégor, couloirs de verdure, sont le miroir des saisons dans la campagne bretonne. Sous sa capuche il entend le chant des oiseaux dont il rejoint la louange comme saint François d’Assise ou hume la senteur des ajoncs en fleur à la fin de l’hiver, parfois la chaleur estivale mouille son front de sueur. Il sait faire le gros dos dans les grains d’automne qui balaient les arbres, le mugissement de la mer en furie lui parvient de loin en loin accompagné de cette odeur de goémon caractéristique des baies bretonnes, à chaque pas il arrache ses sandales de la boue profonde des chemins. Il endure la froidure de la neige hivernale qui engourdit pieds et jambes. Yves éprouve en son corps le quotidien des paysans, pèlerins, mendiants et sans-logis errant de villages en villages. Le chemin est la voie qui mène à l’homme.
Le frère Pierre, religieux, abbé du monastère de Bégard, de l’ordre de Cîteaux, témoin 19, souligne le soin attentionné de Yves pour les pauvres : « Dom Yves était venu un jour faire visite à des pauvres, des pèlerins, dans cette maison faite pour eux à Kermartin, et je m’y trouvais. Et il y avait là un pauvre qui allait, disait-il, à Saint-Jacques ou aux Sept Saints de Bretagne – ce que nous appelons aujourd’hui le Tro Breiz -. «Tu as donc de bons souliers, lui dit dom Yves». – «Bien vrai, lui dit le pauvre, s’ils étaient graissés». Dom Yves fit apporter de la graisse, et le pauvre voulut les graisser, mais, sous mes yeux, dom Yves les graissa de ses mains. » Connivence de marcheurs, saint Yves, plongé à plein corps dans l’épaisseur humaine, attentif à chacun, rejoint l’homme dans son quotidien, vivant une charité modelée par l’empathie et la bienveillance. Il peut aujourd’hui nous aider à rejoindre l’homme à toutes les périphéries.
Sur le chemin, tout abandonné à l’Esprit Saint, Dom Yves est prêt à quitter sa voie tracée pour visiter un malade ou assister un mourant. Guillaume de Karanzan témoigne qu’Yves est toujours prêt à se dérouter : « quand il voyait une personne en proie à la désolation ou s’écartant du chemin de la vérité, la compassion le poussait, il se mettait à prêcher à elle toute seule, afin de pouvoir l’arracher à l’erreur. J’ai vu dom Yves prêcher la Parole de Dieu dans sa maison à une brave femme toute seule de la paroisse de Trélévern. » D’autre fois il monte sur le soubassement d’un calvaire pour héler les paysans au travail ou les voyageurs de passage. Sommes-nous prêts, comme Yves, à quitter nos voies tracées, à nous laisser déranger par les imprévus de Dieu ?
Saint Augustin écrit dans un sermon: « qu’est-ce que cela veut dire : marche ? Progresse. Toi, si tu progresses, c’est que tu marches mais progresse dans le bien, progresse dans la vraie foi … Chante et marche. » Toute la vie d’Yves est une marche vers un bien toujours plus grand, sans compter ni son temps, ni son épuisement. Jacquet se souvient qu’après avoir prêché en de multiples églises « il rentrait parfois extraordinairement fatigué. » Yves va jusqu’au bout du don.